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Le manuscrit de Voynich

Il s’agit d’un livre de 250 pages environ, écrit dans une langue que personne n’a réussi à décrypter à ce jour. Le manuscrit de Voynich contient des illustrations de plantes différentes de toutes les espèces connues. Si la datation au carbone 14 a permis de retracer ses origines au 15e siècle, personne ne peut dire concrètement ce dont il est question dans ce manuscrit. De plus, il n’existe aucune explication au fait que l’encre et le papier utilisés soient scientifiquement datés du 15e siècle.

Objet de multiples spéculations et hypothèses depuis fort longtemps, le manuscrit de Voynich a résisté aux assauts des cryptographes, linguistes et autres amateurs d’énigmes du monde entier.  Mais un chercheur de l’Université de Bristol du nom de Gerard Sheshire vient, à son tour, de publier un article dans la revue Romance Studies, où il explique avoir levé le mystère et identifié l’écriture et la langue utilisées.  

Il s’agirait selon le chercheur d’une langue proto-romane, sorte de chaînon manquant entre le latin et les langues romanes que nous connaissons aujourd’hui (le français, l’espagnol, le portugais, l’italien etc.). Cette langue vernaculaire était selon lui en vigueur dans le bassin Méditerranée au Moyen-Âge, avant de progressivement disparaître, sans laisser de trace, les documents écrits officiels étant en latin.

De fait, l’alphabet utilisé dans le manuscrit de Voynich regroupe des symboles connus et d’autres inconnus, qui avaient laissé les scientifiques dans l’embarras, suscitant de nombreuses théories. Récemment encore, des chercheurs turcs affirmaient que le texte était en réalité une transcription phonétique du turc.

Avant cela, il avait été question de sino-tibétain, d’arabe ou d’hébreu ancien, comme ActuaLitté l’expliquait dans un précédent article. Tout ce que l’on savait, grâce à une datation au carbone 14, c’est que le texte datait du quinzième siècle.

Gerard Sheshire va jusqu’à révéler une partie du contenu du manuscrit. Dans son article, le chercheur écrit : « Les traductions révèlent que le manuscrit est une somme d’informations sur les remèdes à base de plantes, les bains thérapeutiques et l’astrologie (…). Le manuscrit a été compilé par une dominicaine comme ouvrage de référence pour la cour royale à laquelle son monastère était rattaché ». En l'occurrence, Marie de Castille, reine d’Aragon de 1416 à 1458.

Cette découverte devrait permettre aux chercheurs qui le souhaitent de se pencher plus en détail sur le texte de 200 pages et son contenu. C’est en tout cas tout le mal qu’on leur souhaite.  

Évidemment, les contradicteurs n’ont pas traîné : outre ceux qui défendent l’idée bec et ongle que le manuscrit est juste un canular, malgré la datation au carbone 14, le scepticisme quant à ces nouvelles révélations est de mise. Des experts médiévaux déconstruisent la théorie, sans frémir.

« Navrée, mais la langue proto-romane n’existe pas », indique la Dr Lisa Fragin Davis, directrice de la Medieval Academy of American. Et d’évoquer « un non-sens ».

Kate Wiles, médiéviste et linguiste rappelle qu’une nouvelle théorie sur le Voynich débarque tous les six mois en moyenne — avec déjà deux approches totalement différentes au cours de l’année passée, indique le Guardian.

Pour ce qui est de la version de Cheshire, « elle prend des libertés avec notre compréhension du fonctionnement des langues », estime-t-elle. « Il plaide pour un langage construit avec des mots tirés de différents lieux et époques, mais en soi, cela ne façonne pas quelque chose qui soit convaincant en tant que langage exploitable. »

80 % des mots figurent dans un dictionnaire hébreu

Pour vérifier leur théorie, les chercheurs ont entraîné leurs algorithmes en se servant d'échantillons du texte de la « Déclaration universelle des droits de l'Homme » dans 380 langues différentes. Et, contre toute attente, la machine a estimé que le manuscrit de Voynich avait été rédigé en hébreu. Les chercheurs se sont ensuite employés à tenter de traduire ce texte. Pour ce faire, ils sont partis de l'hypothèse de base que le cryptage reposait sur des alphagrammes, technique qui consiste à réorganiser les lettres d'un mot dans l'ordre alphabétique pour former des anagrammes. Ils ont alors conçu un algorithme capable de déchiffrer les mots.

« Il s'est avéré que plus de 80 % des mots existaient dans un dictionnaire hébreu, mais nous ne savions pas si, pris ensemble, ils avaient un sens. » Greg Kondrak et Bradley Hauer se sont tournés vers un confrère parlant hébreu pour savoir si la première phrase du texte traduite avec cet idiome était cohérente. Réponse négative. Les chercheurs ont alors tenté de convertir la phrase hébreu en anglais en se servant tout simplement du service Google Traduction. Et là, ils ont obtenu quelque chose...

Le manuscrit de Voynich serait un guide botanique

Dans la langue de Shakespeare, la première phrase du manuscrit dirait : « She made recommendations to the priest, man of the house and me and people ». Traduite en français, cela signifie : « Elle a fait des recommandations au prêtre, à l'homme de la maison, à moi et aux gens ». Une phrase d'introduction bien curieuse, a lui-même admis le professeur Kondrak. Ce dernier estime que seule la contribution d'historiens spécialisés en hébreu ancien pourrait aider à une interprétation plus cohérente de ces traductions étant donné la syntaxe atypique qui a été employée.

Bref, pour le moment, le manuscrit de Voynich garde encore son mystère. Cependant, les chercheurs concluent leur article scientifique paru dans Transactions of the Association for Computational Linguistics en soutenant que le texte est probablement de l'hébreu avec les lettres réarrangées pour suivre un ordre fixe. L'étude a révélé plusieurs mots pris individuellement signifiant « fermier », « air », « lumière », « feu ». Les auteurs estiment que cela conforte l'hypothèse déjà émise plusieurs fois que le manuscrit de Voynich serait en fait un guide botanique. Forts de cette première expérience, ils comptent continuer à affiner leur algorithme et l'appliquer à d'autres manuscrits anciens.

En   1912,   Wilfried   Voynich,   collectionneur de livres anciens découvre dans la Villa Mondragone à Frascati, près de Rome, un manuscrit semblant dater du Moyen-Âge, écrit dans une langue inconnue. Depuis, gardant précieusement ses secrets, l’étrange manuscrit de Voynich résiste à toute
tentative de traduction. Le langage dans lequel il est écrit défie depuis plusieurs siècles, les linguistes, les historiens, les experts en cryptographie qui l’ont étudié. Le mystère perdure et alimente tous les fantasmes sur son contenu.

Description

Quelques pages du manuscrit découvert par Wilfried Voynich : à gauche, un extrait de la liste de « formules » ; à droite, une page de l’Herbier, L’écriture reste indéchiffrable et le contenu garde tout son mystère malgré des illustrations très intrigantes.

La première description détaillée du manuscrit de Voynich est faite par l’antiquaire Hans P. Kraus qui l’acquiert en 1961, après la mort de Wilfried Voynich, et l’inscrit dans son catalogue des ventes paru en 1962.
Le manuscrit de Voynich est un petit livret de 15 cm de large pour 23 de long, composé de 234 pages, dont 42 sont manquantes, manuscrites et illustrées de dessins identifiés comme des représentations astronomiques, des symboles alchimiques, des plantes, des schémas biologiques…
Le texte demeurant indéchiffrable, ce sont ces illustrations qui ont permis - en admettant que les dessins sont liés au texte - de diviser le manuscrit en cinq parties distinctes :

1. La première partie, appelée l’Herbier, comporte
112 pages et semble traiter de botanique. Elle est largement illustrée de dessins de plantes et de fleurs
pour la plupart inconnues, d’aspect plutôt fantastique, accompagnés de courts paragraphes de texte.
2. La deuxième partie, constituée de 34 pages, semble aborder des descriptions astronomiques ou astrologiques. Elle est illustrée de dessins circulaires semblant représenter le soleil, des constellations et des signes du zodiaque.
3. La troisième partie, composée de 19 pages est illustrée de dessins de femmes nues, de figures humaines, reliées par des tubes d’apparence orga- nique et est donc supposée traiter d’anatomie ou de biologie.
4. Les 45 pages de la quatrième partie forment la section pharmacie, agrémentée de dessins de récipients remplis de plantes, de feuilles et de racines.
5. La dernière partie est une liste de formules ou recettes. Elle contient 324 paragraphes courts débutant par une étoile.
Le manuscrit n’est pas daté. Cependant, d’après les illustrations et la calligraphie, il semble au premier abord avoir été écrit au XXIIIe siècle. Si cette datation reste incertaine, on sait tout de même que le manus- crit est antérieur aux années 1580, période à laquelle l’Empereur Rodolphe II de Bohème, passionnée d’art et de science, l’acquiert pour 600 ducats d’or.
En 1944, le botaniste O’Neill croit reconnaître parmi les  diverses  plantes représentées,  un  tournesol  et un poivron rouge, pensant apporter un élément de datation supplémentaire : le manuscrit est pour lui postérieur à la découverte du Nouveau-Monde. Mais son argument est contesté.
L’auteur du manuscrit de Voynich n’est pas identifié. Lors de sa redécouverte en 1912, le manuscrit est accompagné d’une lettre en latin de Johannes Marcus Marci, recteur de l’université de Prague, datée d’août
1665 ou 1666, dans laquelle celui-ci précise qu’il pour- rait avoir été écrit par Roger Bacon, moine franciscain, philosophe du XIIIe siècle, familiarisé avec les méthodes de codage de textes. En 1962, Kraus reprend cette hypothèse dans sa description. Mais l’identité de l’auteur peut facilement être mise en doute par la datation du manuscrit.

 L’histoire du manuscrit Le manuscrit apparaît à Prague vers  1586  date  à laquelle il est vendu à l’Empereur  Rodophe  II de Bohème. Il est en- suite confié, entre 1608 et 1622, à Jacobus de Tepenecz, directeur des jardins  botaniques  dont la signature effacée est visible en lumière infrarouge sur la première page. Le manuscrit disparaît alors jusqu’en 1665-1666 où il est envoyé par Johannes Marcus Marci au père Athanasius Kircher, prêtre jésuite vivant à Rome. Il est  probable  que  ce  soit  l’alchimiste  Georg  Barsh qui, en léguant sa bibliothèque à Marci, lui confie le manuscrit. Récupéré plus tard par Pierre-Jean Becks (1795-1887), alors Général de la Compagnie de Jésus, le manuscrit est intégré à la collection de livres anciens découverte en 1912 par Voynich à la Villa Mondragone. Ne réussissant pas à le revendre, Kraus,  dernier  acquéreur,  l’offre  à  l’Université  de Yale où il est aujourd’hui conservé à la bibliothèque Beinecke Rare Book Room, enregistré sous le numéro MS408.
[1] Si ce n’est dans les litanies, les comptines, etc.

Les tentatives de traduction Tous  ses  propriétaires  ont  certainement  tenté de percer les secrets du mystérieux manuscrit de  Voynich.  Il  ne subsiste malheureusement aucune trace écrite des premières tentatives de traduction, probablement infructueuses, de Jacobus de Tepenecz, Johannes Marcus Marci et Athanasius Kircher.
Après sa redécouverte par Wilfried Voynich, William Newbold, professeur de philosophie à l’Université de Pennsylvanie étudie le manuscrit et annonce en 1919 avoir décrypté son contenu. Attribuant son écriture à Roger Bacon, il constitue pour lui une preuve que celui-ci utilisait déjà au XIIIe siècle un microscope lui permettant de décrire la structure de cellules biologiques, et un télescope qui lui permit d’observer la spirale de la galaxie d’Andromède, découverte seule- ment plusieurs siècles plus tard. Mais ces conclusions extraordinaires furent très vite réfutées.

Parmi les personnes aux compétences diverses, ayant essayé de traduire le manuscrit, certaines essayèrent un code de substitution simple, d’autres imaginèrent des chiffrages plus compliqués, les uns pensèrent qu’il était écrit dans une langue modifiée (ukrainien sans voyelle pour le philologue John Stojko en 1978), les autres y virent un mélange de mots de différentes langues, comme le médecin Léo Levitov en 1987. Mais jusqu’à aujourd’hui, aucun n’est arrivé à produire un texte cohérent.
Le manuscrit de Voynich est écrit dans un alphabet inconnu et unique, comportant entre 23 et 30 caractères simples. Pour faciliter sa traduction, le texte, qui ne présente aucune ponctuation, a été transcrit. Plusieurs transcriptions ont été proposées historique- ment  (Friedman,  Currier, d’Imporio,  ...),  définissant chacune des règles de différentiation des compo- santes  de  bases  de  cet  alphabet. Aujourd’hui,  les spécialistes du manuscrit s’entendent sur l’utilisation de l’alphabet EVA (European Voynich Alphabet) qui attribue aux caractères du voyniche des lettres romaines de façon à former des syllabes pour la plupart prononçables.

 L’alphabet EVA (European Voynich Alphabet) est utilisé uniquement pour la transcription du manuscrit de Voynich. Il n’en livre pas les secrets...

À l’aide de cet alphabet, le manuscrit a pu être entièrement transcrit, notamment par Takeshi Takahashi et Jorge Stolfi. Ces transcriptions ont mis en évidence plusieurs particularités du voyniche. D’abord, la distribution des fréquences des caractères simples est semblable à celle des langues humaines. Une ana- lyse statistique du texte a également révélé la très grande régularité de cette langue : en supposant que les espaces séparent les mots, certains d’entre eux sont très courants et peuvent apparaître plusieurs fois par ligne. Sur le recto du folio 78, on peut notamment lire : « qokedy qokedy dal qokedy qokedy ». Ce taux de répétition n’a d’équivalent dans aucun langage connu [1].
De plus, la structure même des mots est très régulière : formés d’un préfixe, d’un infixe et d’un suffixe, les mots les plus courants comptent cinq à six caractères et la longueur des mots du voyniche suit une loi binomiale, distribution très rare dans les langages humains. Enfin, certaines syllabes ne se trouvent qu’en début de mots (qo) d’autres jamais en milieu de mot (dy).
Il a également été démontré que le voyniche suit la loi de Zipf, caractéristique de la plupart des langages humains, qui relie la fréquence des mots d’un texte à leurs rangs. En effet, en classant les mots d’un texte quelconque par ordre de fréquences décroissantes, George Zipf constate que la fréquence d’un mot est inversement proportionnelle à son rang dans la liste constituée (ce qui signifie que la fréquence du second mot le plus fréquent est la moitié de la fréquence du premier, la fréquence du troisième mot le plus fréquent, son tiers, etc). Cette égalité, qui n’est vraie qu’en approximation, est indépendante du type de texte ou de la langue considérée.
En étudiant les propriétés statistiques du voyniche, Prescott Currier a pu montrer que le manuscrit est écrit en deux ‘langues’ distinctes : le voyniche A et le voyniche B. Une expertise graphologique a révélé selon lui qu’il a également été écrit par deux mains et Currier met en évidence la corrélation entre la main et la langue utilisée sur chaque folio. Il en conclut qu’au moins deux personnes ont participé à l’élaboration du manuscrit.

En résumé, les études du manuscrit de Voynich permettent d’affirmer que :
1. Son code, si code il y a, a résisté à toute tentative de décryptage jusqu’à aujourd’hui.
2. Le voyniche n’est pas formé d’une production aléatoire de syllabes.
3. Il possède certaines caractéristiques des langages humains (loi de Zipf).

image Recto du folio 78 où l’on peut déchiffrer à l’aide de l’alphabet EVA, les « mots » : « qokedy qokedy dal qokedy qokedy ».

4. Il présente également certaines particularités propres comme la répétitivité de certains mots, une distribution binomiale de la taille des mots, et des propriétés caractéristiques de certaines syllabes.
5. Il semble contenir deux ‘dialectes’ attribuables à deux ‘auteurs’ distincts.

Le contenu bien qu’il en ait l’apparence, le manuscrit de Voynich est-il réellement un grimoire de magicien, un traité scientifique, un livret d’alchimie ?
Ou n’est-il qu’une remarquable arnaque ?
En effet, face à toutes ces tentatives de déchiffrement vaines, certains spécialistes finirent par penser que le manuscrit de Voynich pouvait n’être qu’une supercherie, probablement élaborée pour arnaquer l’empereur Rodolphe II qui l’acquit pour une somme importante (l’équivalent de 50 000 euros actuels). Pour les autres, cette thèse est indéfendable : ils lui opposent la complexité de réalisation du manuscrit et les  caractéristiques  humaines  du  voyniche.  Cependant, les propriétés statistiques de cette langue ne suffisent pas à rejeter l’hypothèse de l’élaboration d’un faux.
Récemment, Gordon Rugg, professeur au département de mathématiques et d’informatique de l’université de Keele, en Angleterre a essayé d’étayer cette thèse en produisant un texte présentant les mêmes caractéristiques que le voyniche. Pour cela, il a utilisé comme technique de production de mots non aléatoire une méthode de codage connue au XVIe  siècle : la
grille de Cardan. Élaborée par le mathématicien italien Girolamo Cardano vers 1550, la grille de Cardan est une méthode de décryptage composée d’une carte à trous que l’on vient superposer au texte codé : la grille laisse alors apparaître dans les trous les lettres ou syllabes formant le message. Rugg a utilisé cette méthode à l’envers, avec une grille à trois fenêtres (préfixe, infixe, suffixe) pour générer des mots à partir d’un tableau de 36 colonnes et 40 lignes comportant les syllabes du voyniche. En déplaçant la grille, sur les lignes et colonnes du tableau, des centaines de mots peuvent ainsi être formés. Cette technique lui a permis de reproduire très facilement certaines caractéristiques du voyniche :

John Dee (à gauche) et Edward Kelley (à droite) sont-ils les auteurs du manuscrit avec lequel ils auraient escroqué l’empereur Rodolphe II ?

 En fonction du remplissage initial du tableau et du positionnement des fenêtres de la grille, certaines syllabes par exemple, ne sont jamais associées.
Rugg a également essayé de vérifier si le manuscrit recelait véritablement un message crypté. Il tenta donc de crypter un texte par deux méthodes utilisant ce principe. La première méthode considérait les syllabes du texte en clair comme les infixes du texte crypté, préfixe et suffixe étant déterminés par la grille de Cardan. La deuxième méthode consistait à assigner à chaque caractère un nombre spécifiant la position de la grille de Cardan sur le tableau. Ces deux techniques ont généré des langages beaucoup moins répétitifs que le voyniche. Rugg en a donc conclu que si l’auteur du manuscrit de Voynich a utilisé la grille de Cardan, il n’a très probablement transcrit qu’une suite de mots incohérents.
Cependant, le texte produit par Rugg ne présente pas toutes les caractéristiques du voyniche et en particulier il ne vérifie pas la loi de Zipf. Le mathématicien

[2] Le miroir de Dee est en fait un objet de culte aztèque rapporté en Europe par Cortés entre 1527 et
1530. Il est aujourd’hui conservé au British Museum, visible en ligne sur :

http://www.thebritish museum.ac.uk/compass/, search : «Dr Dee’s mirror».

[3] Certaines pages des journaux de Dee sont visibles sur:

http://www.themagickalreview.org/enochian/enochian_mss.php

tente donc aujourd’hui d’automatiser sa méthode afin de produire à l’aide d’un tableau et de grilles adéquats un texte présentant toutes les caractéristiques de la langue du manuscrit.
Le travail de Rugg ne prouve pas que le manuscrit de Voynich est un faux, mais montre que la réalisation d’une telle imposture était possible au XVIe siècle.
L’hypothèse d’une arnaque devient plus que vraisemblable lorsque l’on fait quelques recherches sur le personnage de John Dee (1527-1608). Tout porte à croire que c’est bien cet astrologue, mathématicien, alchimiste, magicien, familiarisé à la cryptographie, qui, présent à Prague entre 1584 et 1588 à la cour de Rodolphe II, avec son compatriote anglais Edward Kelley (1555-1595), a vendu le manuscrit à l’Empereur. Or, Edward Kelley était un escroc notoire. Il se disait médium et se prétendait capable de parler avec les anges, par l’intermédiaire d’un miroir en obsidienne polie, qu’un ange aurait offert à John Dee [2]. Très impressionné par les dons de clairvoyance de son ami, John Dee consigna fidèlement ces communications angéliques . Ensemble, entre le 13 avril et le 13 juillet 1584, ils écrivirent 19 Enochian Calls issus des visions de Kelley et donnèrent naissance à une langue des Anges, appelée aussi l’Enochien [3]. Cette langue ‘magique’, qui possède son propre alphabet a été très étudiée notamment par Donald Laycock qui parvint même à établir un dictionnaire de référence : The Complete Enochian Dictionary.
Il se trouve que l’énochien et le voyniche ont des particularités étonnamment similaires, difficilement explicables si ces deux langages n’ont pas la même ‘origine’,  puisqu’au  XVIe   siècle,  l’énochien  n’était connu que de Dee et Kelley. Le voyniche pourrait être comme le pense Gordon Rugg, une version de l’énochien améliorée du point de vue de la syntaxe (si elle existe réellement), de l’ergonomie de l’alphabet et des propriétés syllabiques.

Conclusion il ne sera jamais possible de prouver que le manuscrit de Voynich est une supercherie et ne contient aucun message codé. Mais le travail récent de Gordon Rugg, décevant sûrement tous ceux qui cherchent à déchiffrer le fascinant manuscrit, rend très plausible cette hypothèse. Elle est de plus, renforcée par  la  présence  avérée  de  John  Dee  et  Edward Kelley à Prague au moment de la vente du manuscrit à l’Empereur de Bohème.

On ne saura probablement jamais non plus si Dee et Kelley sont les deux mains qui écrivirent le manuscrit. Mais leur élaboration à la même époque, de l’Enochien, langue imaginaire issue de leurs expériences de communications angéliques, déplace fortement le curseur vraisemblance du côté d’une ingénieuse escroquerie, qui ferait du manuscrit de Voynich une énigme à jamais insoluble.

Références

3⁄4 Gerry Kennedy, Rob Churchill, (2005) The Voynich Manuscript, Orion Books UK,
3⁄4 Stéphanie Bellin, Et si le manuscrit de Voynich était finalement une arnaque, Science et Vie, oct 2004.
3⁄4 Un gag vieux de quatre siècles ?, La Recherche, n°373, mars 2004.
3⁄4 Gordon Rugg, Le mystère du manuscrit de Voynich, Pour la science, n°323, sept 2004.

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