28 Janvier 2025
Nos yeux savent percevoir les photons envoyés par le Soleil. Mais seul notre cerveau est capable d'interpréter les informations dont ils sont porteurs et d'imaginer l'objet qui les a émis. Nos sens nous apportent ce que nous savons de l'univers qui nous entourent, mais ces données ne constituent qu'un magma informe de sensations incohérentes.
Notre organisme constate que ceci est rouge, que cela est froid, que ceci est dur, que cela est acide… Cette avalanche d'informations ne prend de sens qu'au prix d'une exercice intellectuel remplaçant ces données immédiates par des constructions théoriques, des modèles fruits de notre imagination.
Pour le philosophe adepte du solipsisme, la seule réalité dont l'existence est certaine est le sujet pensant lui-même, y compris les sensations qu'il ressent.
Regardant dans telle direction, on reçois de la lumière et de la chaleur; ces sensations sont un constat. Mais déclarer que cette lumière et cette chaleur viennent d'un objet lointain désigné par le mot soleil, c'est déjà un exercice mental.
A mesure que des informations nous parviennent concernant cet objet imaginé, je peux affirmer ma description et construire l'équivalent d'une maquette, d'un modèle réduit, comme disent les aéromodélistes.
Les éléments de cette construction sont des concepts peu à peu précisés permettant de définir des mesures. Cet exercice se poursuit sans fin en ajoutant de nouvelles caractéristiques parfois mesurées au prix de méthodes étrangement compliquées.
La règle du jeu de la science est de constamment confronter les conclusions que l'on peut tirer de ce modèle et les informations que nous pouvons recueillir à propos de l'objet concerné.
Lorsque cette confrontation ne décèle aucune incohérence, il est raisonnable d'admettre que cet objet est bien réel et que le modèle construit pour le représenter en donne une image certes imparfaite, mais plausible.
Finalement, avoir une attitude scientifique, c'est remplacer des sensations par des concepts, et exprimer ces concepts par des mots.
La plupart des difficultés rencontrées par ceux qu'effarouche cette activité résultent d'une insuffisante compréhension des mots utilisés. Ils n'y sont guère aidés par les scientifiques eux-mêmes, qui ne prennent pas suffisamment la peine de préciser le sens qu'ils leur attribuent. Certains d'entre eux, qui manifestent la plus grande exigence pour la propreté de leur laboratoire, utilisent sans précaution des mots éculés d'avoir été prononcés par mille bouches, d'avoir été utilisés à propos de mille idées, et surtout dont le sens a parfois été bouleversé par des avancées de la science. Qu'entendent aujourd'hui les scientifiques lorsqu'ils parlent de l'Univers, du temps, de la vie, du hasard ?
Les premiers pas de la marche d'approche permettant d'atteindre les camps de base d'où faire l'ascension de la connaissance consistent à faire un travail de redéfinition de ces mots.