8 Mai 2025
Dans les meilleures histoires du Graal, et dans le meilleur de l'art chrétien, le Saint-Graal est une image de l'eucharistie. Même la culture populaire (pensons à Indiana Jones) nous le présente comme la coupe de la dernière Cène. Le Graal représente le mystère central de la liturgie chrétienne : il existe une façon d'assouvir notre soif profonde de faire la rencontre avec Dieu.
Pour le chrétiens, la place centrale de l'eucharistie était une évidence.
"Nous ne pouvons vivre sans la messe", dit un martyr d'Afrique du Nord à son bourreau, sous le règne de Domitien, l'un des plus grands persécuteurs des chrétiens.
Ceci nous ramène à la question du sort de la coupe que Jésus avait utilisée à la dernière Cène.
Les premiers chrétiens auraient probablement répondu que cela n'avait aucune espèce d'importance. Pour eux, tout calice consacré était le Saint-Graal et contenait vraiment le sang du Seigneur. Et on traitait tout calice en conséquence. Même au temps où être chrétien constituait une offense capitale et quand les disciples de Jésus étaient tous pauvres, ils savaient trouver suffisamment d'argent pour équiper dignement leurs églises clandestines. A l'occasion d'une descente policière dans une église domestique, on confisqua son petit trésor ainsi détaillé devant le tribunal :
2 calices en or
6 calices en argent
6 plats en argent
1 bol en argent
7 lampes en argent
7 lampadaires en bronze, avec leurs lampes
11 lampes en bronze avec leurs chaînes
Il n'y avait là aucune extravagance. C'était la seule manière pour ces pauvres gens d'exprimer leur vénération pour l'eucharistie, qu'ils estimaient littéralement plus que leur propre vie.
Environ un siècle plus tard, au temps de saint Jérôme, l'évêque de Toulouse vendit l'or et l'argent de son église pour procurer de la nourriture aux pauvres. Pour célébrer l'eucharistie, il dut utiliser un panier d'osier et un calice de verre. Jérôme vint à sa défense.
"Qu'y peut-il y avoir de plus riche que l'homme qui porte le corps du Christ dans un panier d'osier et le sang du Christ dans un récipient de verre ?"
Ce texte de saint Jérôme nous apprend qu'à son époque les calices en verre était rares. On s'attendait à ce qu'au moins les plus grandes églises aient un calice en or. Il dut y avoir des murmures à Toulouse quand l'évêque introduisit un calice en verre. La raison est évidente : les gens révéraient tellement le sang du Christ qu'un calice en verre leur semblait trop commun, presque un blasphème. Jérôme a dû leur rappeler que c'était le sang qui rendait précieux le calice, et non l'inverse.
Même si Jérôme défendait vigoureusement l'évêque de Toulouse et son calice en verre bon marché, il n'en demandait pas moins que l'on ait une très grande révérence pour les vases eucharistiques, quelle que soit la matière dont ils étaient fabriqués. Il est nécessaire, écrit-il, de faire comprendre aux gens
"que les sacrés calices, voiles et autres accessoires utilisés dans la célébration de la passion du Seigneur ne sont pas des objets sans vie et inertes dépourvus de sainteté. En raison de leur association au corps et au sang du Seigneur, on doit plutôt les vénérer avec le même respect mêlé de crainte que le corps et le sang eux-mêmes".
Même si l'eucharistie est le plus saint des trésors, les récipients qui la portent, en raison de leur office, sont aussi de saints trésors qui demandent à être vénérés. Nous pouvons donc facilement nous représenter que certains chrétiens ont attaché une grand valeur à la coupe dont Jésus s'était servi.
C'était non seulement un vase destiné à l'eucharistie, mais, en plus, l'un des rares vestiges de Jésus qui, durant sa vie, n'avait jamais amassé beaucoup de biens.