Le portrait d'Amélie, la discrète

A vingt-trois ans, Amélie a son diplôme d'école de commerce en poche, comme ses parents le voulaient. En réalité, elle aurait adoré faire les Beaux-Arts.

"Ce n'est pas un vrai métier, ça !" lui ont-ils assené après qu'elle a osé formuler sa demande. Amélie n'a pas insisté. Elle n'aime pas faire de vagues.

Après ses études, elle a intégré une boîte où elle s'est sentie à l'étroit, choquée par le fonctionnement individualiste de la plupart des salariés et le manque de sens de son travail. Après de longues nuits à décortiquer la situation dans tous les sens, elle a décidé de tout quitter - y compris le domicile parental - dans l'idée de démarrer un projet qui lui ressemble, inspiré de ses valeurs écologiques et sociales ainsi que sa créativité.

Aujourd'hui, elle a déménagé en ville, dans un tout petit studio, et oscille entre des moments de grande joie et d'excitation, d'avoir osé faire quelque chose qui lui tenait à cœur, et des creux abyssaux où elle est rattrapée par la peur de ne pas réussir, de ne pas être à sa place, de ne pas être une vraie entrepreneuse, de dépenser toutes ses économies sans y arriver.

De puis quelques jours, de l'eczéma abîme ses doigts, elle passe de longues heures au téléphone avec sa mère pour essayer de la rassurer (elle-même par la même occasion), mais parfois c'est dur de devoir rassurer quelqu'un d'autre alors qu'on aurait besoin d'être réconforté soi-même.

Depuis quelques semaines, un (beau !) garçon tourne autour d'elle. Il est mignon comme tout, et elle est tenté d'accepter de sortir avec lui, mais elle n'est pas encore sûre. Elle n'a pas envie de souffrir et encore moins de le faire souffrir.

Elle a encore du mal à récupérer de son ancienne relation avec un homme qui ne la traitait pas convenablement. Elle est donc sur la réserve, parfois même sur la défensive. Et elle s'en veut de ses réactions.

Amélie se demande "Ai-je le droit d'exister ?